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Bonnets rouges et gilets jaunes… Née tout à fait spontanément - enfin c’est ce que l’on nous affirme - une nouvelle manifestation se prépare, à l’initiative des « Gilets Jaunes » pour protester contre la hausse du coût du fuel et de l’essence, rendant les déplacements « de plus en plus coûteux, notamment de ceux de la campagne ». Qu’en est-il réellement... et regardons le problème avec un peu de recul.

Sur le coût tout d’abord… Chacun aura pu entendre que, en réalité, le coût de l’énergie n’est pas au niveau de ce que les gens affirment ou ressentent : l’augmentation du coût de l’essence a été bien plus faible que celle du coût de la vie. Moitié moins pour faire simple. Et il faut ajouter aussi à cette modération, la moindre consommation des moteurs, devenus plus techniques et plus performants. De 8 à 10 litres/100 kms dans les années 70, on est passé, de nos jours, à des voitures pouvant consommer 3 ou 4 litres/100 kms pour les petites et moyennes voitures. Donc l’argument avancé d’un renchérissement du à la voiture n’est pas strictement exact ! A moins que votre rêve suprême soit de rouler en 4x4…

Peut-être faut-il aussi examiner comment se sont modifiés nos modes de vies entre les années 1970 et maintenant. Après des années de rassemblement dans et autour des villes, ce que l’on avait appelé « l’exode rural », la France a connu, à partir de 1972, un vaste retour à la campagne, dans des lieux de plus éloignés des centres et des lieux de travail, appelé « exode urbain ». Dopés par l’inflation des prix et la hausse des salaires, les prêts immobiliers et la construction de voies nouvelles, beaucoup ont construit leur pavillon de plus en plus loin. La maison individuelle isolée est devenue pour beaucoup un rêve sublime et accessible. Mais cet isolement a un coût : le coût du transport journalier en voiture individuelle et le coût de l’accès aux services le reste du temps.

Y aura-t-il encore du pétrole longtemps ? Faisons l’addition en étant aussi précis que possible. Les spécialistes distinguent les réserves prouvées, les réserves probables et les réserves possibles. Limitons-nous aux « réserves prouvées » par précaution car pour les autres, par définition elles ne sont pas sûres et engendreraient des coûts d’extraction et des reventes au public hors de prix.

Les réserves « sûres » sont : Venezuela : 300, Arabie Saoudite : 260, Canada : 170, Iran : 150, Irak : 140 soit au total 1020 milliards de barils. Or, nous avons consommé, en 2017, en un an, pour toute la planète et tous usages confondus, 36 milliards de barils (source Wikipédia). Si nous considérons que notre consommation annuelle n’augmente pas et que l’augmentation de la population est compensée par une meilleure performance de nos appareils et véhicules… Alors notre réserve dite « sûre » est de 1020/36 = 28 ans. Autrement dit, à ce rythme, en 2050 : plus une goutte !

Alors que fait-on ? On pompe allègrement jusqu’à la dernière goutte au même rythme ? On envisage un rationnement ? On met de côté ce qui est nécessaire pour les « services prioritaires » et on répartit ce qui reste ? Comment pourrait-on légitimer une baisse des taxes qui aurait pour conséquence une relance de la consommation ? 

La transition va être aussi dure qu’inéluctable. Après 70 ans où l’on a pas voulu penser que la réserve n’était pas inépuisable, il nous faut regarder les choses en face. Les conserves que nous avions entassés dans la cave sont désormais rares. Déjà qu’elles n’étaient pas bonnes pour la santé… Mais on peut retourner le problème comme on veut : les solutions sont peu nombreuses : consommer moins tout d’abord, en roulant moins, en ayant une conduite plus économe, en voyageant à plusieurs dans le même véhicule, en covoiturant grâce aux parking relais, en utilisant les transports en commun, en passant du fuel à l’électrique, en utilisant plus le vélo, la trottinette ou la marche à pied. Je suis frappé du nombre de personnes qui, le matin, vont encore chercher leur pain en voiture et qui souvent laissent tourner leur moteur.

Il est grand temps de réapprendre une certaine frugalité… 2050 c’est bientôt ! Comme le dit Yann Arthus Bertrand : « Il est trop tard pour être pessimiste ! ».

 

Philippe Druon,

Président du CPIE Villes de l'Artois